Nos 3 objectifs pour réduire les émissions de CO2 de la mode

Objectif #1

Réduire la production de vêtements neufs

Les volumes de vêtements vendus en France ont presque doublé en 20 ans1 avec le déferlement de la fast fashion (premier magasin H&M en France en 1998) puis l’arrivée du e-commerce (Amazon, Vente Privée, Zalando, Wish, etc.). Cette augmentation des volumes a été permise par deux mécanismes :
  1. La création du désir, notamment via un renouvellement très rapide des collections (arrivée de nouvelles collections parfois toutes les 2 semaines en magasin) et des mécaniques d’incitations à la consommation (par exemple des décotes très fréquentes : aujourd’hui, un vêtement sur deux est vendu en soldes ou promotions en France1)
  2. Les prix bas, notamment permis par les délocalisations dans des pays à main d'œuvre peu chère : on observe une relative stagnation des prix de l’habillement depuis 20 ans (+0,5%/an depuis 2000 vs inflation moyenne de +1,4%/an3). Avec l’augmentation des salaires, on peut donc s’acheter beaucoup plus d’habits qu’avant : il fallait en moyenne 2 heures de travail en 1984 pour s’acheter une paire de baskets low cost, il n’en faut plus qu’une en 20144.

On notera qu’il est difficile d’objectiver une réelle baisse de qualité des vêtements depuis les années 80, aucune étude n’ayant été réalisée sur le sujet. La recherche du bas prix a pu certes tirer la qualité vers le bas (matières plus fines, confection moins soignée…), mais les procédés industriels de fabrication se sont en parallèle amélioré (utilisation croissante de matières synthétiques qui tiennent plus longtemps, filature “compact” pour des fils plus robustes, amélioration des techniques de teinture, etc.). Et même si les vêtements étaient devenus réellement plus fragiles qu’avant, il paraît peu probable que cela explique à ce point l'explosion des ventes de vêtements.

On notera également que l’augmentation des volumes de production n’est pas dû à un “gaspillage” à cause des invendus, comme on l’entend parfois. Selon une enquête interne réalisée auprès des enseignes de l’habillement, les invendus représentent seulement 1 à 5% des volumes mis sur le marché5. Le réel gaspillage se situe dans les placards : il provient des vêtements achetés mais très peu portés par les clients.

Pour réduire les volumes de vêtements vendus, il faut donc en priorité :

  • Augmenter les prix des produits les plus low-cost, et ainsi sortir la mode de l’ère du jetable

  • Diminuer les incitations à consommer, liées à la fréquence de renouvellement des modèles ou aux promotions systématiques.

Objectif #2

Relocaliser

Pour réduire les émissions du textile, il faut également utiliser d'une électricité moins carbonée pour la fabrication. Autrement dit, il faut faire en sorte que les lieux de fabrication soient des pays où l’énergie est issue de l’énergie nucléaire et/ou renouvelable : France en premier lieu6, reste de l’Europe sinon. Par exemple, un vêtement produit en France émet environ deux fois moins de gaz à effets de serre7 qu’un vêtement produit en Chine.

A noter : le part des émissions liées au transport de vêtements risque de fortement augmenter dans les années qui viennent. En effet, les transports aériens et maritimes sont très difficiles à décarboner : si rien n'est fait, ils pourraient représenter respectivement 22% et 17% des émissions mondiales d'ici 20508, ce qui rend les efforts de relocalisation d'autant plus indispensables.

Pour relocaliser, il faut :

  • Mettre en place des tarifs douaniers ou barrières douanières pour favoriser les pays où le mix énergétique est moins carboné.

  • Inciter les consommateurs à acheter des vêtements issus de pays où le mix énergétique est moins carboné, via une modulation de l’éco-contribution et un affichage environnemental clair.

Objectif #3

Réparer

Plutôt que de favoriser l’industrie du neuf, c’est tout le secteur de la réparation qu’il faut encourager. Aujourd’hui ce dernier est étouffé par les bas prix du neuf. Contrairement au secteur de l’électronique, la plupart des produits textiles mis sur le marché en France sont souvent facilement réparables. Mais il y a un obstacle économique : il est souvent moins coûteux de racheter neuf que de réparer un vêtement...

En conséquence, aujourd’hui, les vêtements en bon état revendus en friperies ne représentent que 6 % des volumes collectés9 – les autres vêtements étant exportés (la plupart en Afrique où ils s’accumulent souvent en décharge) ou soit “décyclés” en chiffons ou en textiles d’isolation.

Sources.

1. Les chiffres d'affaires habillement déclarés en France par les enseignes spécialisées selon l'INSEE (code NAF commerce de détail habillement 47.71) + estimation de l'évolution des ventes d'habillement réalisées sur les sites e-commerce qui ne sont pas en code NAF 47.71.

2. Déclarations internes de plusieurs grandes marques d’habillement.

3. Source INSEE.

4. Etude Que Choisir “Consommation - 30 ans de changements à la loupe”.

5. Challenges : “Gaspillage: les entreprises face à la gestion des invendus non alimentaires”, 2019.

6. Etude de l’Union des Industries Textiles : “Fabriquer en France permet de réduire l'empreinte carbone du textile”, 2021.

7. Etude “Assessment of Carbon Footprint for the Textile Sector in France” de l’institut de Recherche Cycleco.

8. Etude “Emission Reduction Targets for International Aviation and Shipping” pour le Parlement Européen.

9. Le Relais : “Que deviennent vos dons ?