FAQ

C’est quoi cette “prime au vice“?

Aujourd’hui, le marché favorise les pratiques les moins vertueuses : plus une entreprise pollue, plus elle produit dans des pays à l’énergie carbonée, aux lois permissives sur les questions sociales et environnementales, moins sa production lui coûte cher et plus elle est compétitive. Fabriquer Europe ou en France coûte beaucoup plus cher : les cotisations sociales sont bien plus élevées pour mieux protéger nos salariés, nos normes environnementales (comme l’obligation du retraitement des eaux usées) renchérissent le coût des productions, notre électricité coûte plus cher (0,106$/kwh au Bangladesh ou 0,106$ en Chine contre 0,154$ en France ou 0,173$ au Portugal) notamment pour financer des investissements en énergies renouvelables. Relocaliser, c’est donc fabriquer avec des coûts bien plus élevés qu’à l’autre bout du monde et devenir beaucoup moins compétitif.

Il en est de même pour les pratiques commerciales : plus elles sont vertueuses, plus elles désavantagent les marques qui les pratiquent. Sortir du cycle infernal des soldes et des promotions, c’est voir ses clients attirés par les “prix cassés” d’autres marques. Ralentir le rythme de ses collections afin de moins pousser à la consommation, c’est se faire prendre des parts de marché par les autres marques qui renouvellent les leurs toujours plus rapidement. C’est indéniable : il y a aujourd’hui un avantage économique à produire de manière irresponsable, une “prime au vice”.

Afin de rétablir une concurrence non-faussée et vertueuse, la loi doit obliger les entreprises de l’habillement à payer réellement les coûts environnementaux et sociaux, les externalités négatives qu’elles génèrent. C’est le seul moyen de supprimer enfin cette prime au vice.

Si on produit moins, on va détruire des emplois ?

Le changement de régulation que nous proposons, même en diminuant les ventes de vêtements neufs en France, est une stratégie créatrice d’emploi.

Tout d’abord, vendre moins de vêtements neufs, cela veut dire réparer plus, acheter plus de seconde main. Le développement du secteur du réemploi et de la réparation pourrait ainsi créer de nombreux emplois chez les retoucheurs, retoucheuses, couturiers, couturières, magasins de seconde main etc.

On pourrait s’inquiéter des emplois de vendeurs ou vendeuses qui disparaîtront avec la baisse globale des ventes, mais ces pertes seraient largement compensées par les emplois créés par la relocalisation : depuis les années 80, on a certes créé 50 000 emplois en boutiques mais on en a détruit 300 000 dans l'industrie. Relocaliser pourrait créer jusqu’à 6 fois plus d'emplois que ça n'en détruirait.

Augmenter le prix des vêtements, c’est mettre les pauvres dans l’embarras ?

On pourrait s’inquiéter, au regard de la récente crise des Gilets Jaunes, de l’impact pour les foyers les plus modestes d’une augmentation du prix des vêtements les moins chers. Mais contrairement au carburant dont les ménages ne peuvent pas baisser la consommation, on peut acheter moins de vêtements, les garder plus longtemps, voire les réparer, sans augmenter son budget habillement. Afin d’assurer un socle pour les achats de vêtements essentiels, on peut également imaginer un fonds de solidarité textile, une “sécurité sociale du vêtement”, financée par les taxes d’éco-contribution. Elle pourrait être dédiée aux foyers les moins aisés, afin de permettre qu’un “chèque textile” correspondant à cette perte de pouvoir d’achat puisse leur être remis chaque année. Ce chèque pourrait être utilisable non seulement sur les achats (neuf et seconde main), mais également pour les réparations.

Enfin, si vraiment on s’intéresse aux conditions de vie des personnes les plus démunies, c’est d’abord le réchauffement climatique qu’il faut combattre : que ce soit au niveau mondial, national ou local, toutes les études montrent que ce sont les pauvres qui subiront et subissent déjà le plus durement ce dérèglement climatique. Quand il fait 50 degrés en ville, les plus riches peuvent mettre la clim’, les plus pauvres risquent leur vie.

Quelle sorte d’économie votre stratégie favorise-t-elle ?

Cette nouvelle réglementation aurait un effet bénéfique au-delà des aspects climatiques :

  1. En oeuvrant en faveur d’un entrepreneuriat plus responsable

  2. En favorisant l'essor de nouvelles industries locales (relocalisation, réemploi, réparation, recyclage)

  3. En créant de nombreux emplois pour accompagner ces nouvelles industries

  4. En développant une vie économique prospère et compatible avec les défis environnementaux et climatiques de notre époque.

La charte En Mode Climat recommande la relocalisation en France et en Europe. Qu’en est-il des autres pays du globe ou l'électricité produite est bas carbone ? Que pense En Mode Climat des entreprises qui mènent des actions de transition énergétique dans des pays où l'électricité est carbonée, en Asie par exemple ?  

Le plaidoyer d’En Mode Climat porte sur la “relocalisation énergétique” en France et en Europe car c’est une manière rapide et efficace de décarboner les productions. Pour y arriver, des conditions et incitations réglementaires doivent être réunies, ce qui n’est pas le cas à l’heure actuelle.

Si votre entreprise est active sur la transition énergétique de vos fournisseurs en Asie, c’est très bien ! En Mode Climat ne peut que vous encourager à décarboner vos productions, où qu’elles soient. 

En Mode Climat soutient aussi la relocalisation pour d’autres raisons : garantir des conditions de travail socialement acceptables (a minima une rémunération respectant le niveau de salaire vital), le respect de normes environnementales exigeantes, et dans une moindre mesure, la réduction des impacts du transport de marchandises à l’échelle globale.

Bien entendu, comme pour l’énergie, la relocalisation n’est pas le seul moyen d'œuvrer pour ces objectifs, mais elle nous semble être l’une des priorités à défendre, avec la lutte contre le modèle de surproduction de la fast fashion. 

Pourquoi augmenter l’éco-contribution ?

Augmenter l'éco-contribution permettrait qu'elle soit vraiment dissuasive, qu'elle puisse orienter les entreprises dans leurs choix et les motiver à faire mieux. Aujourd'hui, elle est de 6 centimes maximum pour les grosses pièces, c'est donc  complètement indolore pour les marques et inefficace.

Est ce que c'est réaliste de viser 5€ par vêtement ?

5 euros, c'est pour les pires pratiques et les plus grosses pièces. C'est un maximum, et ce qu'on espère, c'est que cela soit suffisamment dissuasif pour n'être jamais appliqué

Et de toute manière, si on le met en regard des coûts de la délocalisation, 5€, ce n’est pas beaucoup.

Voilà un exemple : un sweat fabriqué au Portugal coûte environ 30€ à la production. Exactement le même, fabriqué au Bangladesh, coûte 3€, 10 fois moins cher. Même avec 5€ d’éco-taxe, ce sweat coûterait 8€, toujours beaucoup moins cher qu’au Portugal.

En quoi ça favorise la production en France ?

Avoir une éco-taxe indexée sur le poids carbone des vêtements favorise la relocalisation.

Comme on l’a vu, l’impact carbone des vêtements est surtout liée à la phase industrielle, réalisée en Asie, où l'électricité est très carbonée (gaz et charbon). Au contraire, en France en particulier, et en Europe en général, l’énergie est plus décarbonée (dans la région de Porto par exemple, 80% de l'électricité vient des barrages et des éoliennes)

Pénaliser les GES d’un vêtement favorise donc sa production en Europe.

Est-ce que votre initiative est vouée à rassembler uniquement des “petites” marques ?

Non, au contraire, on appelle les plus grosses marques à nous rejoindre. A chaque fois qu'on leur parle, elles disent qu'elles sont d'accord avec nous mais ne peuvent pas changer si toutes les autres ne font pas la même chose.

Et c'est normal quand on y pense : si une grosse entreprise choisit de relocaliser, ça va lui coûter 10 fois plus cher pour le même produit. Elle va donc perdre en compétitivité, et se faire prendre des parts de marché par celles qui continuent de produire en Asie.

C’est une prime au vice : plus vous produisez dans des pays où c'est autorisé de polluer, ou les droits humains sont bafoués, où on émet des GES, moins ça va vous coûter cher, donc plus vous êtes compétitif.

Tant qu'il n'y aura pas de règles qui diminuent cette prime au vice, cet avantage compétitif à mal faire, il est impossible pour ces grosses entreprises de faire le premier pas sans se désavantager. Elles ont donc tout intérêt à nous rejoindre.

Ce que nous demandons, c'est que la loi oblige les entreprises de l’habillement, les nôtres y compris, à payer réellement les coûts environnementaux qu’elles génèrent. C’est le seul moyen de supprimer enfin la prime au vice. Nous sommes pour une concurrence non-faussée et vertueuse.

L’avenir est-il décroissant ?

L'avenir doit être plus frugal, c'est-à-dire qu'on doit faire un meilleur usage des ressources.

Quant au textile, oui, il faut qu'on produise 3 fois moins de vêtements d'ici à 2050. Mais ce n'est pas triste pour autant, car ce qu'on continue de produire, on doit le faire dans des pays mieux disant écologiquement et socialement : ça tombe bien c'est le cas de l'Europe en général et de la France en particulier

Produire moins produire mieux, ce n'est pas construire un monde un peu triste, où on se prive d’acheter, où des entreprises vont disparaître, où on sera tous habillés pareil en noir, en bleu et en gris.

Au contraire. Aujourd’hui, on ignore dans quelles conditions sont fabriqués nos vêtements et on se révolte des nombreux scandales de l’industrie textile, depuis les Ouïghours jusqu’au Rana Plaza. Demain, on pourrait recréer des centaines de milliers d’emplois dignes dans nos régions et savoir d’où viennent nos vêtements.

La sobriété peut-être une fête. Et de toute manière nous n'avons pas le choix, si nous voulons échapper à un désastre environnemental, cf. les dernières actualités au Canada.

Concrètement, comment faire pour pénaliser les incitations à la consommation ?

On pourrait procéder de la manière suivante :

  • Effet nouveauté : application d’un malus en fonction du nombre de nouvelles références (modèle/couleur) mises sur le marché annuellement ou de la durée de vie d’une référence. Ce malus fonctionnerait avec effet de seuil, avec une augmentation au-dessus d’un certain nombre de références mises en marché.

  • Effet promotion : application d’un malus en fonction de la décote moyenne à laquelle sont vendus les vêtements. Ce malus fonctionnerait avec effet de seuil, avec augmentation au-dessus d’une certaine valeur de décote moyenne.

  • Greenwashing : application d’un malus en fonction de la véracité des arguments employés par les marques lors de la communication (à juger par une autorité indépendante).

Et l’économie ? Les grandes marques françaises vont mourir !

Les grandes marques françaises (Camaïeu, la Halle, Tati, Kiabi, Gemo) font plan social sur plan social, alors que Primark, Zara et H&M, Wish ou Amazon vont très bien. Si les marques françaises continuent à jouer le jeu des géants de la fast fashion, elles vont perdre. Elles doivent changer et relocaliser la production.

Il n’y a pas plutôt des solutions technologiques qui nous permettent de produire autant et émettre moins de GES ?

Cela fait 30 ans qu’on dit qu’on développe des énergies renouvelables, mais la part des énergies fossiles dans le mix énergétique électrique mondial n’a pas bougé : 80% (source Our World in Data). Il y a aujourd’hui un consensus scientifique sur le fait que notre seule issue est la frugalité : le dernier rapport du GIEC appelle à un changement radical de nos modes de vie et consommation.

Et même si on arrivait à améliorer l’efficience énergétique de nos machines, dans l’histoire, l’amélioration de l’efficacité énergétique n’a presque JAMAIS permis de diminuer la consommation d’énergie comme prévu. Parfois, elle l’a même augmentée. C’est ce qu’on appelle l’effet rebond : améliorer les rendements des machines fait baisser les prix des produits et incite les gens à en acheter plus. Cet effet est présent, partout, tout le temps (et pourtant les politiques environnementales l’oublient presque toujours).

Quelques exemples historiques d’effets rebond :

  • Dans les transports : on a amélioré l’efficacité des moteurs, donc on paye moins cher au kilomètre parcouru, donc on voyage plus souvent. Résultat : la consommation globale de pétrole par personne ne cesse d’augmenter.

  • Dans le numérique : on a baissé le coût de stockage des données et le prix des terminaux, et le numérique consomme aujourd’hui presque 10% de l’électricité mondiale.

  • Dans l’industrie textile elle-même : si on s’achète autant de fringues aujourd’hui, c’est d’abord parce que des milliers de machines ont permis de remplacer le travail manuel et donc de drastiquement baisser le prix des vêtements.

Vous êtes minus !

On est petits mais nombreux. Et on appelle les grosses marques à nous rejoindre.

Alors vous êtes pro-nucléaire ?

Nous n’avons pas de position tranchée à ce sujet. Le nucléaire n’émet pas de carbone mais pose d'autres problèmes. Et le nucléaire n’est pas la seule énergie décarbonée, cf. les mix énergétiques :

  • France : nucléaire 72%, hydroélectrique 10%

  • Portugal, région de Braga : énergie à 80% décarbonée, grâce aux éoliennes et à l'hydraulique.

J’ai fait un don à En Mode Climat : comment puis-je récupérer un reçu fiscal ?

Si vous avez effectué votre don via HelloAsso, nous vous invitons à vous rendre sur votre espace personnel et à suivre les indications renseignées sur cette page.
Si vous avez effectué une donation directement par virement, écrivez-nous par email à contact@enmodeclimat.fr pour que l’on vous envoie ce reçu.