Affichage environnemental français : des avancées majeures, fragilisées par les lobbys

La consultation officielle sur la méthodologie de calcul d’impact et le visuel prévus pour l’affichage environnemental dans le secteur textile a démarré fin novembre, pour se terminer le jeudi 19 décembre.

Après deux années de développement, il s’agit de l’ultime étape avant la validation du cadre réglementaire de l’affichage du coût environnemental des vêtements, prévu par la loi Climat et Résilience. Il a vocation à devenir obligatoire, après une période d’expérimentation volontaire par les entreprises.

Le visuel de l’affichage environnemental soumis à la la consultation (source : CGDD/Ademe)

Mais au-delà de l’affichage, la méthodologie de calcul d’impact développée servirait aussi et surtout de référence pour l’application de la loi dite “anti Fast fashion” adoptée en mars à l’Assemblée nationale et dont on attend (toujours) la discussion au Sénat.

Au vu de l’enjeu (rappelons que les marques seront soumises à un bonus ou un malus substantiel, selon le coût environnemental calculé via cette méthodologie), les lobbys de la fast fashion se mobilisent pour éviter d’être pénalisés. Les avancées de la méthodologie font ainsi l’objet de vives attaques.

Une amélioration de l’ACV

En Mode Climat soutient la proposition de méthodologie de calcul d’impact environnemental soumise à la consultation car elle présente des avancées décisives pour mieux inclure les impacts de la fast fashion.

Elle prend notamment en compte :

  • Une partie des pratiques commerciales de la fast fashion au travers du coefficient de durabilité “extrinsèque” composé de trois paramètres : la largeur de gamme, l’incitation à la réparation et l’affichage de la traçabilité du vêtement. Ces critères ne définissent pas de manière exhaustive la fast fashion, mais ils sont pertinents.

  • Les impacts spécifiques du polyester et des autres fibres synthétiques au travers des compléments microfibres et exports.

  • Des bénéfices environnementaux des matières biologiques et/ou locales, par le choix d’une pondération élevée du critère écotoxicité de l’ACV, et par des données d’inventaire actualisées pour la laine. 

La méthodologie française corrige ainsi les biais et manquements de la méthode européenne de calcul proposée à date (cadre PEFCR) qui n’a pas encore inclus de manière effective la durabilité extrinsèque, et sous-estime nettement les impacts du polyester, favorisant de fait la fast fashion.

Et ce sont précisément pour ces raisons que certains acteurs, notamment des marques de la fast fashion, cherchent à faire obstacle à la méthode française, au profit de la version européenne.

Les points de vigilance

Avec la loi Fast Fashion en ligne de mire, les représentants de Shein ou de Primark redoublent d’efforts en direction des médias et des décideurs politiques : ces dernières semaines on a vu des articles entiers faire l’éloge de ces marques, sans point de vue contradictoire. Shein s’est offert les services du cabinet Oxford Economics pour publier un rapport d’impact - qui n’a rien d’académique ni d’indépendant, mais les grosses ficelles, ça fonctionne toujours. Et certains dirigeants ne dissimulent pas leurs actions de lobbying, comme la directrice France de Primark.

Le point de vigilance n°1, c’est donc de s’assurer que la méthodologie proposée ne soit pas retoquée ou affaiblie, sous la pression de ces attaques.

L’intégration prochaine de la durabilité physique (= la résistance) à la méthodologie pourrait être un cheval de Troie : le polyester, du fait de sa résistance, obtient dans la plupart des cas de très bons scores sur ce plan. Cela n’est pourtant pas un gage de qualité globale (qui dépend aussi d’autres critères comme la capacité à tenir chaud ou à ne pas garder les odeurs), et c’est aussi ce qui fait qu’il persiste dans la nature sous forme de microfibres. Mais sur le plan “physique” il sera mieux noté que les matières naturelles. Cela pourrait avantager particulièrement l’ultra fast fashion qui utilise en moyenne plus de matières synthétiques que les marques traditionnelles.

C’est pourquoi il est essentiel qu’un principe de non-compensation soit appliqué strictement : une bonne note en durabilité physique ne doit pas pouvoir rattraper un mauvais score de durabilité extrinsèque. Ce serait en effet un comble que le recours au polyester permette aux marques ayant les pires pratiques commerciales de bénéficier d’un bon score de durabilité.

Du point de vue de la formule mathématique à employer, c’est très facile et expliqué ici, dans la documentation d’Ecobalyse - le simulateur de calcul d’impact mis en ligne par le ministère.

Renforcer les seuils pour cibler l’ensemble de la fast fashion

Soulignons enfin que les seuils retenus pour le critère de largeur de gamme (l’une des composantes du coefficient de durabilité extrinsèques) sont encore très élevés : ce n’est qu’ à 16 000 références par segment de marché (femme, homme, enfant, bébé…) que l’on est pleinement pénalisé.

Cela signifie que des enseignes emblématiques de la “première vague” de la fast fashion, comme Zara ou H&M, ne seraient que partiellement touchées par ce critère.

Les modalités d’affichage du coût environnemental

La consultation porte aussi sur le visuel prévu pour l’affichage environnemental, et ses modalités.

Le plus important, pour En Mode Climat, ne réside pas en l’affichage du score destiné au consommateur, mais en l’utilisation de la méthode pour la mise en œuvre de mesures contraignantes pour la filière textile.

Néanmoins et comme nous l’expliquions dans cet article, nous soutenons le choix d’afficher un score en valeur absolue, plutôt qu’un classement ABCDE qui risquerait de provoquer des effets rebonds de consommation. L’ajout du coût environnemental par kilogramme serait souhaitable pour éviter que les vêtements plus épais (un choix qui peut favoriser la résistance) ne soient défavorisés.

Exemples d’étiquettes de coût environnemental avec l’ajout du nombre de points/kg. (Source : CGDD/Ademe)

Enfin, il nous semble important que l’affichage soit obligatoire dès lorsqu’une marque utilise un argument de vente lié à l’écologie (on parle d’”allégation environnementale”) car cela permettrait de rendre plus évidents les cas de greenwashing.

Participer à la consultation

Pour relayer vos attentes et préoccupations concernant le calcul du coût environnemental et les modalités de l’affichage environnemental, il suffit de laisser un message sur cette page. Les textes des décrets et arrêtés proposés sont disponibles ici.

L’outil Ecobalyse permet de réaliser et comparer des simulations de calcul d’impact.

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